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Abdou Samba Tôrô DIOUF : La courtoisie et la grande culture d’un homme d’Etat (Par DMF)

A 89 ans, l’homme d’État né le 7 septembre 1935 à Louga, est l’un des derniers mohicans, avec Moustapha Niasse, de la crème de la classe politique qui a construit, sous la direction éclairée de Léopold Sédar Senghor, les bases de la nation et de l’Etat du Sénégal. Et pas seulement. A titre personnel, il est l’homme né sous une bonne étoile qui l’a protégé du crash des Mamelles en 1960 qui a tué l’immense poète Mandessi Diop et Baba Thiam, frère de Habib Thiam. Fortement incité par ce dernier, son ami qui l’aimait plus que tout, ils sont rentrés à Dakar par la navette maritime et ont eu la vie sauve. Il est aussi le breveté de l’ENFOM des records de jeunesse d’un haut fonctionnaire sénégalais: Directeur de la coopération technique internationale, Secrétaire général du ministère de la Défense et Gouverneur de la région du Sine-Saloum tout cela à 25 ans, Directeur de cabinet du Président Senghor à 28 ans, Secrétaire général de la présidence de la République à 29 ans, ministre du Plan et de l’Industrie à 33 ans, Premier ministre à 35 ans durant onze ans, président de la République assermenté à 45 ans le 1erjanvier 1981 après la démission du Président Léopold Sédar Senghor puis brillamment élu à 47 ans en mars 1983, reconduit en 1983, 1988 et 1993. Ku def lu reuy am lu reuy, aimait-t-il a philosopher quand il s’était agi de récompenser nos valeureuses Lionnes du Basket Ball des années 90. Ses différents mandats furent placés sous le signe de la politique d’ouverture au multipartisme, de la libération progressive de l’économie et de la décentralisation. Dans le monde, Abdou Diouf a contribué à faire entendre la voix du Sénégal et de l’unité africaine. En 2002, à l’occasion du IXème Sommet de la Francophonie à Beyrouth, Abdou Diouf a été élu Secrétaire général de la Francophonie et ensuite renouvelé en 2006 et 2010 pour un troisième mandat qu’il achèvera volontairement en 2014.Après un tel état de services rendus au Sénégal, à l’Afrique et au monde, Abdou Diouf se consacre désormais à être exclusivement au service de son épouse Elisabeth Diouf, fille de Kayam Sarr et petite-fille de Satine Sarr, natives de Keur Samba Dia dans le Fatick, dont la santé est devenue fragile avec l’âge. Elisabeth a un an de plus que Abdou, mais peu importe quand on aime, on ne compte pas. Toute la sainte journée, toutes ses pensées et actions sont tournées vers sa chérie Elisabeth qu’il appelle « la plus belle histoire de l’Univers ». Diouf a calé sa vie sur celle d’Elisabeth. Ils sont après tout liés par un pacte : au départ celui de s’inspirer du modèle de mariage du couple Yvette et Marc Sankalé (le nom du centre de diabétologie de l’hôpital Abass Ndao), lié par la fidélité, l’amour et le respect mutuel, et à la fin celui d’être enterrés ensemble côte à côte dans le même cimetière, le plus tard possible inshallah. Grâce à Dieu (SWT) et à la bienveillance naturelle de Diouf, qui de deux hypothèses, choisit toujours la plus généreuse, le pacte tient bon.

Grand par la taille, grand par le comportement, Diouf pratique la discrétion en tout, est d’une extrême ponctualité et se met au niveau de chaque interlocuteur. Au palais, il prévoit le temps de l’ascenseur et de saluer les personnels à sa descente et l’intègre dans l’agenda. Il n’aboie pas ses ordres, il s’exprime avec courtoisie et s’adresse à tous avec respect et humilité. Lorsqu’il reçoit, il se lève pour accueillir son audience et le saluer. Il est très difficile voire rare de voir Diouf en colère ou sortir de ses gonds : il est toujours en tenue et retenue. En revanche, le ton solennel de sa voix indique parfois son émotion quand il n’est pas content. Henri Guillabert, le grand musicien du mythique groupe Xalam, et accessoirement son gendre, époux de Fabienne et père de ses petites-filles, en sait quelque chose. Il a été convoqué un jour par le couple Abdou et Elisabeth, et le Président lui a solennelement demandé de ne plus gronder ses petites-filles quand elles sont chez leurs grands-parents et qu’elles font du bruit, comme tous les enfants. Les petits-enfants ont fait des bonds…Diouf, en grand-père traditionnel, leur passe tout. Et même avec ses propres enfants, Diouf n’a pas été sévère. Il les envoyait auprès Elisabeth parce c’est elle qui s’occupait de l’école. Elisabeth a joué et continue de jouer un rôle crucial dans la vie de Diouf: cette épouse exemplaire, dévouée et discrète, a fait de lui un homme équilibré qui pouvait compter sur elle pour l’appuyer dans sa carrière politique et administrative, le relayer dans le foyer et l’éducation des enfants, ainsi qu’auprès de sa mère Adja Coumba Dème et sa grande famille de Louga et de Saint-Louis. Saint-Louis, le royaume d’enfance de Diouf auprès de sa tante Toutane Basse, grande responsable du Parti socialiste dont il tenait les minutes des réunions politiques, et maintenant auprès de sa fille, sa cousine Aida Ba. Saint-Louis, une autre madeleine de Proust qui entretient la flamme du duo Diouf et Elisabeth.Mon employée de maison, Hélène F., s’était souvenue que Diouf, alors Gouverneur du Sine Saloum, était venu dans son village de Mbafaye et avait offert 1000 ou 5000 francs.m à la petite fille qu’elle était alors. Evidemment, Diouf ne se rappelait qu’être allé en effet à Mbafaye, mais il l’a quand même rencontrée en ma compagnie quarante ans plus tard lors d’un de ses séjours dakarois, faisant montre de son respect de l’humain. Lorsque nous sommes entrées, il s’est levé pour nous embrasser Zara et moi, et puis serrer la main d’Hélène avec humilité et respect, lui demandant des nouvelles de sa famille. Le grand homme est humble, exceptionnel et respectueux. Peu de gens savent que ses fils Pedro et Habib sont ses émissaires partout, dépêches auprès d’anciens dignitaires socialistes, de Me Wade et d’autres leaders politiques. En fait, réalité politique oblige, Diouf n’a jamais rompu les liens avec son opposition et a toujours maintenu la tradition des émissaires mandatés par lui pour leur parler, entre deux audiences confidentielles. Démocrate, cela n’a jamais gêné Diouf que Landing Savané, un des leaders de son opposition, restât Directeur national des Statistiques et de la Démographie, lorsque cette direction nationale était logée au Point E. Ni de donner son onction et son soutien à la nomination de son épouse Marie Angélique Sané au top management de l’Onu Femmes à New York. Et surtout, il pratique bien le wolof, en bon njambur njambur ; vocabulaire, syntaxe et grammaire. Un wolof ciselé. Il explique parfaitement la signification de « wiri wiri diari ndari » ou de « kormbol ». Pour Diouf, la vraie traduction du mot changement n’est pas « sopi », mais « tiopité ». En famille ou avec ses amis, il manie aussi l’humour pince-sans-rire. Qui pourrait croire que sa grande culture transversale comprend aussi Bill et Boule, Astérix et Obélix, Iznogood et tant d’autres pépites du genre « aventures », dessins animés et livres historiques dont il connait par cœur certaines répliques ? Il y a quelque chose d’« énervant » chez Diouf pour les jaloux et les aigris, mais que les personnes honnêtes reconnaissent bien volontiers. Il a presque toutes les qualités et la grâce divine l’enveloppe, amen. Mais qui peut empêcher la volonté divine de s’exercer pleinement et entièrement ? Ainsi non seulement, il est poli, courtois, respectueux, bon élève, bon fils et bon père, mais il est également considéré au Royaume d’Arabie saoudite comme un membre de la famille. L’actuel roi Salmane est déjà venu séjourner en toute discrétion au Palais présidentiel secondaire de Popenguine en compagnie de son fils MBS, actuel prince héritier réformateur. Lors d’une visite officielle à Ryad, alors que plusieurs chefs de délégation étrangers étaient passés sans le voir, l’ancien Roi Fahd a fait l’honneur au Président Diouf de participer au dîner officiel : il était poussé dans son fauteuil roulant par le futur monarque Salmane qui dirige aujourd’hui l’Arabie saoudite. Moustapha Niasse, un des plus grands ministres des Affaires étrangères du Sénégal, est celui qui connait le mieux, avec Diouf, les subtilités protocolaires de l’impénétrable diplomatie saoudienne.Il y aurait tant à dire sur Diouf mais juste un dernier souvenir. Quand je le rencontre pour la première fois officiellement dans son bureau de chef de l’Etat, je lui dis « il parait que vous ne donnez pas de l’argent et que vous n’avez pas un sou dans votre poche ». Il sourit jusqu’aux yeux et me répond qu’étant pris en charge par l’Etat, il se chargeait de distribuer équitablement son salaire, à l’époque d’un montant 400.000 francs CFA, entre sa maman et un autre parent. Aujourd’hui, son argent est divisé en trois parts égales entre ses familles de Saint-Louis, de Louga et de Fatick. Et sa maison l’attend à Dakar où il loge dans une dépendance chez son fils Habib.Joyeux anniversaire Abdou Samba Tôrô, longue vie et bonne santé dans la bénédiction et la miséricorde divines aux côtés de votre précieuse Elisabeth !

DMF

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