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« L’Héritage Intemporel de Thomas Sankara : Deux BD Captivantes Retraçant sa Vie Extraordinaire »

Il y a tout juste quarante ans, le 4 août 1983, le capitaine Thomas Sankara prenait le pouvoir en Haute-Volta. Un an plus tard, le pays était rebaptisé Burkina Faso. Quatre ans plus tard, le 15 octobre 1987, le jeune chef de l’État était assassiné et Blaise Compaoré, frère-ennemi, prenait le pouvoir pour ne plus le lâcher pendant vingt-sept ans. Mort en martyr à l’âge de 37 ans, Thomas Sankara conserve aujourd’hui une auréole de pureté et nombre de ses idées, révolutionnaires pour l’époque, demeurent dramatiquement d’actualité. Notamment en matière de féminisme, d’intégrité ou d’écologie.

Les militaires qui, ces derniers temps, prennent le pouvoir en Afrique auraient sans doute tout à gagner à se pencher sur sa philosophie et sur ses propositions. Ils pourraient par exemple lire l’anthologie de ses discours publiée chez Kontre Kulture ou compulser Thomas Sankara parle, édité par Pathfinder Press. Et comme tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de cet homme extraordinaire, ils pourraient aussi lire avec profit les deux bandes dessinées qui viennent de paraître sur sa vie et ses idées.

L’une s’intitule « Thomas Sankara, un rêve brisé » (L’Harmattan BD). Écrite par Franco Dusio, elle a été dessinée par deux jeunes italiens : Marco Forte et Luca Occhetti. L’autre a pour titre « Thomas Sankara, rebelle visionnaire » (Marabulles), avec pour scénaristes Pierre Lepidi et Françoise-Marie Santucci et pour dessinateur Pat Masioni. De facture différente, les deux ouvrages se répondent et se complètent : le premier revient en détail sur la biographie du capitaine burkinabè et analyse l’ensemble des éléments qui ont conduit à son assassinat tandis que la seconde propose une version plus simplifiée à l’usage des jeunes générations.

Et si les hasards du calendrier éditorial propulsent les deux œuvres en même temps dans les librairies, leur publication simultanée ne doit rien aux coups d’État en vogue sur le continent : les auteurs y travaillent depuis longtemps !

Marco Dusio ne connaissait rien à l’histoire de Thomas Sankara le jour où il s’est laissé porter par un documentaire sur l’ancien président burkinabè. Une rencontre par écran interposé qui a bouleversé le jeune retraité au point de le pousser à rassembler toutes les informations possibles afin d’en savoir plus. « La colonne vertébrale de ma documentation, c’est la biographie écrite par Bruno Jaffré et publiée aux éditions L’Harmattan, explique Dusio. J’ai aussi lu Thomas Sankara, l’espoir assassiné de son proche compagnon Valère Somé et l’importante masse d’écrits qu’Internet peut offrir sur le sujet. »

Après avoir lu compulsivement et assimilé la plupart des informations disponibles, Franco Dusio s’est mis en tête de proposer un scénario de bande dessinée : « J’ai pensé qu’une telle approche me permettrait d’avoir accès aux plus jeunes générations. » Mais cela s’est avéré plus compliqué que prévu. Achevé en 2016, le scénario est alors envoyé à quelque 600 maisons d’édition, en vain. « Je n’étais pas du tout dans le monde de la BD, raconte Dusio. Je pensais que les maisons d’édition se chargeaient de trouver un dessinateur quand elles avaient sous la main un projet intéressant. Ce n’est pas le cas. Quand j’ai compris qu’elle désiraient un produit fini, je me suis moi-même mis à la recherche d’un dessinateur. J’ai contacté l’école internationale de comics de Turin (Italie). Marco et Luca, deux jeunes dessinateurs qui étaient amis, m’ont contacté. Marco était un peu hésitant, car il était plutôt dans le dessin fantastique, mais je leur ai parlé de Sankara et ils se sont passionnés pour le personnage. »

Domicilié à Menton, parfaitement francophone, Franco Dusio s’est ensuite tourné vers le marché français de la BD, plus important que le marché italien et, surtout, plus sensible aux questions coloniales, vu le long passé impérialiste de la France.

L’histoire de Thomas Sankara, rebelle visionnaire est un peu différente. En 2020, le journaliste du quotidien français Le Monde, Pierre Lepidi, propose une série de cinq articles sur ce personnage politique hors norme. Les papiers mettent chacun en avant un aspect de sa modernité : l’homme intègre, le patriote, l’écologiste, le féministe, l’anti-impérialiste. « Quelques temps après, j’ai été contacté par Françoise-Marie Santucci qui m’a demandé si j’étais intéressé par l’écriture d’un scénario de bande dessinée, explique Lepidi. Nous avons pensé que Sankara appartenait d’abord à sa famille, aux Burkinabè, à l’Afrique et c’est pourquoi le choix du dessinateur s’est orienté vers Pat Masioni, qui est originaire de RDC. »

L’auteur de Rwanda 1994 et d’Unknown Soldier n’a pas hésité : « À ce moment-là, j’ai été envahi par une immense joie, raconte-t-il. Thomas Sankara était un visionnaire. La pertinence de ses idées concernant l’écologie, la souveraineté africaine, la lutte contre l’impérialisme, le féminisme, la justice sociale et l’autosuffisance alimentaire est manifeste dans le contexte mondial actuel, en particulier en Afrique. Ses idées continuent d’inspirer et de guider ceux qui luttent pour un monde plus équitable et durable. »

Pour Lepidi, le choix du neuvième art relève du même pari que celui de Dusio : toucher plus de monde et de tous les âges.

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